Chapitre 2 : Une Voix Enfantine dans la Nuit Étoilée
Le vent s’était levé, fouettant le visage de Camille alors qu’elle longeait le quai de la Seine, les talons claquant sur le trottoir humide. La déception était une chape de plomb sur ses épaules, rendant chaque pas lourd, chaque respiration difficile. Les rires des passants, les chants de Noël lointains, tout lui semblait une moquerie cruelle de son propre vide. Elle s’arrêta un instant sous un réverbère, le faisceau lumineux transformant les flocons tourbillonnants en une myriade d’étoiles dansantes. Ses yeux, embués, fixaient le fleuve sombre, miroir de son propre désespoir. Elle avait tant rêvé de ce soir, de cette rencontre qui changerait tout, qui mettrait fin à cette série interminable de rendez-vous sans lendemain. L’image du sourire lointain de Marc, sa politesse distante, se rejouait en boucle dans son esprit. « Charmante, mais pas pour moi. » La phrase résonnait, amplifiant son sentiment d’inadéquation. Alors qu’elle s’apprêtait à reprendre sa marche solitaire vers son appartement silencieux, une petite silhouette attira son attention. Près d’un kiosque à musique désert, éclairé par une lanterne ancienne, se tenait une fillette. Elle devait avoir cinq ou six ans, emmitouflée dans un petit manteau rose vif, ses moufles rouges serrant une poupée en tissu. À ses côtés, un homme, le dos tourné, semblait occupé à regarder un plan de la ville. L’air de la fillette, malgré le cadre féerique de la neige et des lumières, était d’une gravité étonnante. Elle leva les yeux et croisa le regard de Camille. Un instant, leurs yeux se rencontrèrent. Ceux de la petite étaient d’un bleu profond, empreints d’une sagesse inattendue pour son âge. Camille, malgré sa propre peine, sentit une étrange attirance, une douceur émanant de l’enfant. La fillette, sans un mot, lâcha la main de l’homme et s’avança lentement vers Camille, ses petites bottes faisant crisser la neige fraîche. L’homme, ne remarquant rien, continuait de consulter sa carte. La distance entre elles se réduisit. Camille, intriguée, s’agenouilla doucement, son cœur battant un rythme irrégulier. Le froid semblait s’estomper face à cette rencontre inattendue. La petite fille s’arrêta juste devant elle, leva sa poupée, puis, avec une innocence désarmante et une voix claire qui résonna dans le silence de la nuit, elle demanda : « Mademoiselle, est-ce que… est-ce que tu veux être ma nouvelle maman ? » Le monde de Camille s’arrêta. Le vent, la neige, les lumières, tout s’effaça. Seule la question de l’enfant flottait dans l’air, bouleversant tout ce qu’elle croyait savoir sur cette nuit de Noël.

Chapitre 3 : Le Don Inattendu d’un Nouveau Commencement
La question de la petite fille résonna dans l’esprit de Camille, la tirant d’un coup de sa torpeur désespérée. Elle cligna des yeux, comme pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas. « Pardon, ma chérie ? » murmura-t-elle, sa voix à peine audible. La fillette, dont les joues étaient rosies par le froid, répéta avec la même assurance : « Mon papa est triste depuis que maman est partie, et moi aussi. Il dit qu’on a besoin d’une nouvelle étoile dans notre ciel. Et tu as l’air d’une étoile. » À cet instant, l’homme, alerté par le silence prolongé, se retourna. C’était un homme au visage doux, les traits tirés par une fatigue que Camille reconnut instantanément. Il aperçut sa fille devant l’inconnue et s’approcha rapidement, un air gêné sur le visage. « Léa ! Que fais-tu ? Je suis vraiment désolé, mademoiselle. Elle est un peu… directe. » Il tendit la main pour récupérer l’enfant. « Je m’appelle Arthur. C’est ma fille, Léa. Sa maman… est décédée il y a un an. C’est une période difficile pour nous, surtout Noël. » Il y avait une tristesse profonde dans ses yeux, une résignation qu’elle comprenait si bien. Léa, cependant, s’accrocha à la main de Camille, son petit regard implorant. « Mais elle a dit qu’elle voulait être mon étoile, papa ! » Arthur soupira, un sourire triste aux lèvres. « Léa voit des étoiles partout. » Camille, le cœur serré, sentit une chaleur inattendue se propager en elle. Ce n’était pas le conte de fées romantique qu’elle avait tant espéré, mais quelque chose de plus profond, de plus pur. Le refus de Marc s’évanouit, remplacé par une émotion brute, une responsabilité naissante. « C’est… c’est une jolie proposition, Léa », dit Camille, sa voix étranglée par l’émotion. Elle regarda Arthur, dont le regard, d’abord gêné, s’était teinté de curiosité et d’une pointe de gratitude. « Je m’appelle Camille », ajouta-t-elle, se relevant. Arthur lui sourit, un vrai sourire cette fois, qui atteignait ses yeux. « Enchanté, Camille. Je… nous ne cherchons pas à remplacer sa mère, bien sûr. Mais Léa a un don pour sentir les bonnes personnes. » La neige continuait de tomber, mais l’air n’était plus aussi froid. Camille sentait qu’une porte venait de s’ouvrir, non pas celle d’une romance forcée, mais celle d’un chemin inattendu vers la tendresse, la compassion, peut-être même une nouvelle forme de famille. Elle ne savait pas ce que l’avenir leur réservait, mais en regardant le visage confiant de Léa et le sourire timide d’Arthur, elle savait que cette nuit de Noël, loin d’être une déception, venait de lui offrir le plus beau des cadeaux : la promesse d’une connexion, d’un sens, d’un amour qui ne demandait qu’à éclore. Le miracle n’était pas dans la rencontre de l’amour parfait, mais dans la découverte d’un besoin mutuel, d’une lumière partagée dans l’obscurité de la solitude. Elle tendit la main à Arthur, et le contact de leurs doigts fut un début, doux et prometteur, sous les étoiles scintillantes d’un Noël inoubliable.
